Cette nuit n’est pas comme les autres. Noé s’est réveillé dans le noir et il n’arrive pas à se rendormir, il a hâte de savoir. Demain matin, il y aura des surprises, un tas de cadeaux sous le sapin. Que va-t-il recevoir, la baguette de magicien, le lapin blanc en peluche, la boîte de Lego ? Noé n’en peut plus d’attendre. Il fait nuit et il n’y a aucun bruit. Il décide d’aller voir, sur la pointe des pieds.
En ouvrant la porte du salon, il voit le grand sapin qu’ils ont décoré la veille, doucement éclairé par la pleine lune. Il sourit : les cadeaux sont déjà là ! Il y a un tas de paquets entassés sous les branches et les décorations brillantes. Noé s’approche et observe sans toucher. Facile, se dit-il, celui-là, c’est le tambour pour sa sœur. Et celui-ci, la nouvelle raquette de tennis pour son frère. Là, d’après la taille, c’est une boîte de Lego, pour lui. Noé est malin, il devine tout. Ici, dans le paquet rond, il y a le yoyo qu’on a promis à sa sœur, et là au fond, la bande dessinée que son frère a repérée à la librairie. Enfin, ce paquet allongé devant ses pieds est sûrement sa baguette de magicien : chic, il pourra peut-être transformer des objets ou faire apparaître des animaux ! se dit-il.
Mais tout à coup, son regard est attiré par le reflet d’une boule bleue, suspendue à une branche basse. Sous cette boule, il voit un paquet, bleu lui aussi. Qu’est-ce que ça peut bien être ? Le paquet n’est pas grand, il ne paie pas de mine. Noé a beau se creuser la tête, il ne voit pas ce que ce petit paquet bleu peut contenir. Voilà qui est un peu vexant. Cela l’intrigue, mais on ne doit pas ouvrir les cadeaux avant le matin, il le sait. On ne doit pas… mais il aimerait bien savoir. La nuit est encore noire, il va falloir attendre des heures, et Noé est impatient. Il s’approche et s’agenouille. Peut-être que de le toucher, rien qu’un peu…
Il hésite un peu, puis pose délicatement le bout de son index sur le ruban. Alors soudain sa main s’éclaire, se colore, et le paquet se met à grandir, grandir encore ! Noé n’en revient pas. Il regarde le paquet qui prend de plus en plus de place, qui devient aussi grand, et même plus grand que lui. Le ruban autour du paquet s’élargit lui aussi, et se met à briller. Noé se sent attiré par ce ruban, il l’attrape comme une poignée de porte et tire dessus. Quelque chose se décroche, la paroi de l’immense carton s’ouvre doucement. Noé pénètre dans le grand paquet bleu.
Tout est sombre et silencieux. Le paquet semble vide, il n’y a que des ombres. Noé tremble… Qui sait ce qu’il va trouver ? Et s’il avait fait une bêtise, si un horrible monstre se réveillait et le gardait ici pour toujours ? Il n’aurait jamais ses cadeaux, et il ne reverrait jamais sa famille. Son cœur bat de plus en plus vite, quand soudain… Ça y est, il voit quelque chose, là au coin. Ça ressemble à un gros caillou. Noé s’approche. Il marche un peu vite, il trébuche sur le caillou. Au même instant, le gros paquet sombre rapetisse jusqu’à redevenir un petit paquet bleu, posé dans ses mains.
Noé soupire de soulagement. Le revoilà dans le salon, au pied du sapin. Il ose un regard à l’intérieur du carton ouvert : dans un coin, il voit une grosse graine, ou un petit noyau, bleu lui aussi. C’est donc tout ? Noé referme doucement le carton et rattache le ruban consciencieusement. Il se relève, triste et déçu, puis retourne se coucher. La nuit est encore noire. Il s’en veut, il n’aurait pas dû ouvrir le petit paquet bleu. Il préférerait n’avoir rien vu. Après tout, il ne sait même pas pour qui est ce paquet.
Au matin, Noé s’éveille un peu plus tard que les autres. Ce sont les cris de ses frère et sœur déchirant le papier cadeau qui le tirent de son sommeil. C’est le 25 décembre : vite, les cadeaux ! En ouvrant la porte du salon, il voit son frère, raquette de tennis dans une main et bande dessinée dans l’autre. Sa petite sœur joue du yoyo, attendant de l’aide pour enlever le plastique qui enveloppe un magnifique tambour. Noé ouvre sans plus tarder le cadeau allongé qui lui est destiné : hourra, la baguette de magicien ! Il ne s’était pas trompé. Il découvre ensuite, satisfait, la boîte de Lego qu’il avait demandée.
Pourtant, Noé est un peu mal à l’aise. Il ose à peine regarder là-bas, derrière le sapin. C’est qu’il reste un paquet, qui intrigue son frère et sa sœur autant que lui : un petit paquet bleu. Leurs parents, tout sourire, leur annoncent que ce paquet-là est pour tous les trois. Son frère et sa sœur sont tout excités. Cette fois, Noé a le droit de venir toucher, ouvrir, regarder… Pourtant, il n’ose plus. « Tu n’es pas curieux ? » lui demandent ses parents. Non, il sait bien ce qu’il y a dedans. Et puis, il a un peu peur. Peur de se retrouver dans un grand carton noir, peur de n’y rien trouver, de n’y rien comprendre, peur qu’on sache ce qu’il a fait cette nuit…
Son frère et sa sœur n’arrivent pas à défaire le nœud du ruban. Noé vient alors les aider. Quand il s’approche, la boule de Noël sur la branche juste au-dessus fait une lumière bleue sur sa main. Au même instant le petit paquet perd sa couleur bleue, il devient tout blanc. Noé détache lentement le ruban. Son cœur bat très fort, si fort qu’il semble remuer jusque dans le paquet. Lorsqu’il parvient enfin à ouvrir le carton, Noé entend sa sœur pousser un cri de joie, et son frère éclater de rire ! Lui-même sursaute et manque tout lâcher : pas de graine à l’intérieur du paquet. Mais un tout petit lapin blanc.
Noé n’en croit pas ses yeux : un lapin, un vrai, un vivant ! Comme il est beau, et comme ses yeux brillent ! On dirait qu’il a eu peur, lui aussi. Vite, Noé le caresse, tout doucement. Un lapin blanc, comme la lune. Noé est si heureux que ses yeux à lui aussi se mettent à briller, jusque tout le long de ses joues.
– Oh, regardez, dit soudain la sœur de Noé, le lapin a fait une pétole, là dans le coin du carton.
– Ah oui, rit leur frère, c’est marrant, on dirait un petit noyau, ou une grosse graine brune.
– Bleue ! corrige Noé, qui joue avec les reflets de la boule de Noël. Une graine bleue dans un petit paquet bleu !
« Une graine qui a fait pousser un lapin, dit enfin Noé pour lui-même, un sourire aux lèvres, sa baguette à la main… C’est peut-être que je suis magicien. »
Vraiment, cette nuit n’était pas comme les autres.