Les vacances à la plage, ma sœur et moi, on adore ça. Pas spécialement pour le soleil, même si c’est bien agréable. Non, nous, on aime surtout jouer avec l’eau et le sable. On construit des pâtés, on creuse des ruisseaux. Seulement, à la longue, on s’ennuie un peu, à faire toujours la même chose. Et puis les vagues, avec leur écume blanche, défont toujours tout. Un petit garçon, à côté de nous, vient de le découvrir pour la première fois : sa belle tourelle s’est écroulée sous l’eau, et il se plaint, il ne comprend pas : « Mais… mais… »
Alors ma sœur se met à battre des mains, comme quand elle vient d’avoir une idée.
– Si on jouait à construire un château, avec un grand domaine et des animaux ? elle dit. Et on disait qu’on habitait dedans…
– On était le roi et la reine ?
– Non, dit ma sœur, c’est trop de responsabilités. On était le berger et la bergère qui s’occupent des troupeaux du roi. Tu vois les vagues ? L’écume, c’est une multitude de boucles blanches. On disait que c’était tout un tas de moutons avec leur laine frisée qui couraient rejoindre le château.
Sitôt dit, sitôt fait : on construit le plus beau des châteaux et quand il est fini, on en sort pour aller vers la mer et s’occuper des moutons qui débarquent sur la plage. Vite, on essaie de les guider vers le domaine, de les aider à traverser notre ruisseau, notre rivière ! Seulement, ces drôles de moutons ne peuvent s’empêcher de revenir toujours en arrière, tous ensemble. Si l’un d’eux retombe à l’eau, les autres le suivent de près, et ils se noient tous. Ma sœur et moi, on essaie d’en sauver le plus possible. C’est important : sans nous ils sont perdus. Je les prends dans le creux de mes mains, je cours, je les dépose au château et hop… dans la bergerie ! Ils sont en sécurité, dit ma sœur, tant qu’ils sont à l’intérieur. « Mê… mê… », on les entend de loin. Moi, je m’inquiète quand même quand je vois que les premiers ont déjà disparu, mais ma sœur me fait :
– Non, ils sont sains et saufs. Si on ne les voit plus, c’est parce que maintenant, ils sont tondus.
A côté de nous, le petit garçon de tout à l’heure reconstruit une tourelle. Il regarde notre château et le pointe soudain en disant : « Mais, mais… » Notre château est piétiné par une vague d’écume, par un troupeau de moutons blancs.
Mais tant pis. Maintenant, quand je m’ennuie à la plage, je rêve et je me dis : l’écume des vagues, un troupeau de moutons ? Après tout, ça se pourrait.
